Homélie pour la messe
Sagesse 7, 7-10.15-16 ; Matthieu 23, 8-12
Monsieur l’Abbé Recteur,
Chers Membres du Comité de Direction,
Chers Professeurs et Assistants,
Chers membres du Personnel administratif, technique et ouvrier,
Chers Etudiantes et Etudiants,
Distingués invités à vos titres et qualités,
Frères et Sœurs dans le Christ,
La fête de Saint Thomas d’Aquin, Patron de l’Université Catholique du Congo se célèbre le 28 janvier, date anniversaire du transfert de son corps au couvent des Dominicains de Toulouse. Cette année, le 28 janvier tombe dimanche, ce qui explique que notre Alma Mater décale la fête pour aujourd’hui. Je remercie fraternellement le Recteur qui m’a invité à célébrer cette grande figure de notre foi avec la grande Famille de l’Université Catholique du Congo.
Frères et Sœurs, En célébrant Saint Thomas d’Aquin, l’Eglise nous invite à regarder une grande figure dont la notoriété scientifique et spirituelle aura marqué fortement l’histoire de l’Eglise et l’intelligence de la foi. A travers cette eucharistie, nous célébrons un modèle dont la science et la foi, la contemplation et l’action, l’intelligence et la quête de Dieu inspirent tout chercheur de la vérité. Saint Thomas d’Aquin a beaucoup voyagé comme étudiant d’abord et comme professeur ensuite. Il a beaucoup étudié, il a écrit des sommes théologiques comme des commentaires bibliques et philosophiques. Il a beaucoup enseigné et beaucoup prié que ce soit à l’école de Saint Benoît ou à celle de Saint Dominique dont il devint le fils en entrant dans l’Ordre des Prêcheurs. La célébration de sa fête à l’UCC appuyée sur les textes bibliques, inspire pour moi trois axes fondamentaux que je voudrais partager avec vous. Il s’agit de la primauté de la sagesse, de la quête des valeurs spirituelles et de l’idéal du service.
- La primauté de la sagesse
Dans la 1ère lecture tirée du livre de la sagesse, il nous est donné d’entendre et de comprendre la prière du sage. Et qui était sage en Israël ? En effet, à la différence du prêtre énonçant la loi, et du prophète s’exprimant au nom de Yahvé, le sage lui, offre des conseils sur ce qui devrait être. Il ne dispose pas de révélation privée qui lui permettrait de trancher sur le présent et l’avenir. Ce qu’il sait, il le tire de son observation de la nature et de la vie des hommes pour en déduire des enseignements. Il ne décide pas à la place de ses interlocuteurs, mais les appelle à réfléchir, à scruter leurs consciences individuelles, avant de prendre leurs décisions. Car le sage sait que les hommes se trouvent fondamentalement devant une alternative, la vie et le bonheur, la mort et le malheur. A ce titre, qui de nous ne désirerait être sage ! Nous comprenons dès lors pourquoi la première lecture fait autant d’éloges de la sagesse. Proche parente de l’intelligence, la sagesse est donnée à celui qui prie, elle habite tout celui qui supplie le Bon Dieu. Si elle est préférable à tout, si elle surpasse tout l’or du monde, c’est justement parce que la sagesse nous humanise, elle dévoile l’humain authentique, le Bomoto, l’Ubuntu. La sagesse nous donne un art de vivre, elle exalte notre être rationnel et cognitif, elle nous conduit à connaître Dieu qui est la sagesse suprême. De la prière du sage, nous découvrons que le discernement et le savoir priment sur le pouvoir et l’avoir.
En ce jour, frères et sœurs, mettons-nous à l’école de Saint Thomas d’Aquin, non seulement pour admirer son amour pour la science sacrée, mais aussi pour qu’à notre tour, nous puissions aimer la science, l’acquérir par tous les moyens disponibles afin d’en vivre pleinement.
Sur les traces de Saint Thomas d’Aquin, nous réalisons que le premier pas dans la quête de la science, c’est la quête de la sagesse, de l’amour du service. Le savoir pour le savoir ne sert à rien. La sagesse nous conduit au savoir pour le service de l’humanité, le service de nos frères et sœurs. Malheur à la science qui s’enfle d’orgueil ! Malheur à la science égoïste ! Oui à la science qui ouvre à l’amour de Dieu et l’amour de ses frères et sœurs. Saint Thomas l’a cherchée à travers ses multiples voyages, ses brillantes études et ses nombreuses lectures, il l’a scrutée par son intelligence perçante et l’a finalement trouvée dans la Vérité révélée en Jésus Christ, lui la visibilité humaine de Dieu (Jn 14, 9b ; Col 1, 15). Aujourd’hui, frères et sœurs, désirer la science comme sagesse, en faire l’objet de ses préoccupations, en être pétri au plus profond de soi-même, tel doit être le souci majeur de toute la communauté universitaire. Dans ce sens, travailler et étudier à l’UCC c’est se laisser habiter par la science sacrée. Celle-ci nous rend bons et beaux, c’est-à-dire vertueux. La science qui s’ouvre sur la sagesse nous donne des armes nécessaires et suffisantes pour lutter contre l’ignorance, l’obscurantisme, la médiocrité, contre toutes ces anti-valeurs qui détruisent notre société et défigurent l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. La sagesse inonde nos esprits pour rechercher la vérité, le droit, le sublime et le bien véritable.
2. La quête des valeurs spirituelles et humaines
Le Docteur angélique que nous fêtons aujourd’hui à l’UCC a écrit des sommes théologiques et fait de multiples commentaires scripturaires, philosophiques et théologiques. Cela ne l’a pourtant pas empêché d’être saisi par la sublime vérité de Dieu. S’il a écrit et enseigné, ce fut pour communiquer aux autres les résultats de sa découverte et les inciter à la seule entreprise qui soit à la mesure du cœur de l’homme : la recherche de Dieu, la quête des valeurs spirituelles et humaines. Nous voilà donc invités à être des chercheurs de Dieu hors et sans frontières. En entrant à l’UCC, on doit trouver une ambiance qui reflète des valeurs spirituelles et humaines, un espace propice pour chercher Dieu, aimer et servir la communauté. C’est le Pape François qui nous rappelle que les Universités catholiques ne doivent pas se limiter à décerner des diplômes de qualité et à garantir d’ambitieuses carrières. Elles doivent se distinguer comme des Universités du monde qui, en offrant leur service éducatif, sont disposées à « transmettre un système de valeurs, fondé sur la reconnaissance de la dignité de chaque individu, de chaque communauté linguistique, ethnique et religieuse, de chaque peuple et des droits fondamentaux qui en découlent ». L’UCC doit être différente : S’il vous plaît, chez nous, les antivaleurs ne peuvent et ne doivent jamais devenir des valeurs. L’éducation aux valeurs demeure nécessaire et indispensable dans notre société rongée par des pratiques moralement peu recommandables. Chacun de vous où il est et avec ce qu’il a, est appelé à se sanctifier et se rendre digne dans ce qu’il fait. Ne cherchez pas la sainteté ailleurs, vous pouvez la vivre dans la quotidienneté de vos différents services qui animent la vie universitaire. Ainsi donc :
A vous chers membres du Comité de Direction, chers Professeurs, et Assistants, et chers membres du Personnel administratif, technique et ouvrier, s’il vous plaît, votre vie sainte et dévouée passe avant tout par le canal d’une profession exercée moins dans un but lucratif que pour le service de la communauté universitaire. Soyez des modèles de vertu pour la jeunesse qui vous est confiée. Aidez ces jeunes à grandir sur le chemin des valeurs qui élèvent l’homme et construisent la Nation. Ici justement, l’exemple de Saint Thomas vous rappelle que vous devez commencer par développer davantage votre conscience professionnelle en affinant sans cesse le double instrument que Dieu a mis à votre disposition, à savoir votre intelligence d’homme et votre foi chrétienne.A vous chers Etudiants et Etudiantes, s’il vous plaît, votre recherche de grandes valeurs spirituelles et humaines se déploie en assumant correctement et convenablement vos tâches académiques et vos obligations morales. Sachez profiter du temps qui vous est imparti pour étudier et investir dans la recherche scientifique. Sanctifiez-vous en menant une vie moralement propre, ordonnée, fuyez la loi de moindre effort, la paresse et la tricherie. Appliquez-vous à la pratique régulière des activités spirituelles, en particulier la sainte messe où il vous est donné d’accueillir, ou plus exactement d’être accueillis par Celui qui est trois fois saint.
- L’idéal du service
La page d’évangile que nous venons d’écouter en cette fête de Saint Thomas est à proprement parler une alerte. En effet, notre Seigneur Jésus met ses disciples en garde contre la recherche et l’attribution des titres de noblesse d’une part, et d’autre part il les invite à l’humilité, la seule vertu qui permette de s’ouvrir aux autres et de se centrer sur Dieu. En effet, reconnaître que nous n’avons qu’un seul Maître le Christ et un seul Père qui est aux cieux, c’est consentir à aimer Dieu et son Fils et à les placer au premier rang de nos hiérarchies des valeurs. Aimer le Père des cieux, c’est reconnaître qu’on a besoin de lui, c’est le rechercher inlassablement dans l’écoute de sa parole qui donne vie. Aimer Dieu c’est ouvrir son cœur pour que Dieu vienne le remplir. Aimer Dieu c’est faire son bon plaisir et non pas le nôtre. Et seuls les humbles de cœur et d’esprit sont capables d’un tel élan.
Jésus en appelle donc à adopter l’idéal du service. En effet, n’appeler personne Maître n’est pas une remise en question de la compétence de nos éminents professeurs, de même n’appeler personne père n’est pas non plus une négation de la parenté terrestre. La pointe des propos de notre Seigneur vise l’humble service des autres. L’évangile de ce jour s’achève sur une harmonie des contraires : la grandeur dans le service, l’humilité dans l’élévation. En effet, en demandant aux disciples de devenir serviteurs, Jésus n’en fait pas des esclaves. Le serviteur est celui qui est jugé digne d’être utile à Dieu et aux autres. Jésus rétablit ici la grandeur du service. Aujourd’hui, puissent les grands de ce monde réaliser suffisamment qu’être placés au-dessus des autres ne donne qu’un droit : se dévouer et servir davantage. L’autorité, c’est le service. Par le lavement des pieds de ses disciples Jésus nous donne un exemple formidable : « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavés les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait » (Jn 13, 13-14).
Cette action prophétique du lavement des pieds inaugure une réalité dans laquelle l’existence devient un « faire comme Jésus », c’est-à-dire une existence tournée vers Dieu et en cela même tournée vers l’homme, une existence pour autrui, pour faire servir. Il serait temps que cette manie des hommes de penser que la vraie grandeur consiste à dominer, à se placer au-dessus des autres, à être applaudi, à faire parler de soi, cesse ! Nous sommes tous conviés, chacun à son humble place, à entrer dans la dynamique du service, à faire de notre vie un témoignage de service pour faire grandir les autres en humanité.
Monsieur l’Abbé Recteur,
Frères et sœurs dans le Christ, En cette fête de Saint Thomas d’Aquin, Je confie à l’Université Catholique du Congo la grande mission de former pour notre pays, pour l’Afrique et pour notre monde des hommes et des femmes épris de l’idéal du service, des hommes et des femmes qui travailleront sans relâche à la construction d’une humanité de solidarité, de fraternité et de paix. Une humanité où
l’on se donne la main pour travailler les uns avec les autres, les uns pour les autres, les uns au service des autres et non une humanité qui se construit les uns sans les autres, les uns contre les autres, les uns au détriment des autres. Une telle humanité consacre la ruine de l’homme. Au contraire avec l’idéal du service, nous apporterons notre contribution pour l’avènement d’une humanité de justice, de solidarité et de paix. Les uns avec les autres, OUI. Les uns pour les autres, OUI. Les uns au service des autres, OUI. Les uns sans les autres, NON. Les uns au détriment des autres, JAMAIS.
Que la Vierge Marie, Notre Dame de la sagesse et de la lumière intercède pour nous afin que nous soyons à son exemple, des humbles serviteurs de nos frères et sœurs et que Dieu nous accorde sa bénédiction, Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.
Amen
Samedi 27 janvier 2024
Mgr Edouard TSIMBA, cicm
Evêque auxiliaire de Kinshasa
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