L’ABBE SANTEDI REND HOMMAGE AU POÈTE LUTUMBA SIMARO MASIYA

whatsapp-image-2019-05-09-at-14-31-19Kinshasa pleure avec des grosses larmes. L’émotion a du mal à se cacher. Le temps s’est arrêté. L’ambiance dégage un goût sulfureux. L’assistance est sans mot et parole. Le Palais du peuple est silencieux. Le soleil cède peu à peu la place à la lune et aux étoiles, bientôt il sera 19 heures. La pluie tropicale a jeté un froid douteux, doux et glacial.

Nous sommes le samedi 4 avril 2019, dans la Salle des spectacles du Palais du peuple de Lingwala à Kinshasa. Comme dans une cathédrale, rassemblés et assis côte à côte, officiels et non officiels, gouvernants et gouvernés, clergés et laïcs, artistes et non artistes, amis et amoureux de la culture, riches et pauvres viennent pleurer simplement et rendre un dernier hommage au Maître de la parole, de la plume et de la guitare.

Tous sont venus célébrer la vie du poète et l’ensemble de ses œuvres anthologiques et mélancoliques arrosées des belles paroles, des beaux textes, des beaux conseils, des belles mélodies et des grandes valeurs sociétales et, aussi témoigner leur reconnaissance et gratitude au philosophe de la vie au quotidien. Ils sont venus, des quatre coins du globe terrestre, dire et crier à haute voix au théoricien de la vie sociale congolaise et africaine : « Merci pour tout ! Nous t’aimons éternellement ! ».

Une évidence : un corps gît sans vie. Le poète Simaro Lutumba Masiya Ndomanueno gît sans vie devant le regard dubitatif de sa famille africaine, ses petits-enfants, ses enfants et son épouse chérie, Maman Hélène Kelani Lutumba. La Chorale Monseigneur Luc Gillon arrose les tympans du public de très belles mélodies et sonorités. Silence, la messe de requiem !

Le Recteur de l’Université catholique du Congo (UCC), le Professeur Abbé Léonard Santedi Kinkupu, brise le silence avec beaucoup de courage. Par son homélie, il prend la parole pour tenter de résumer les 81 ans de vie spirituelle, artistique et humaine du poète Lutumba, président de l’orchestre Bana OK et l’un des fidèles disciples du Grand maître Franco Luambo Makiadi.

Comme l’eau de source, ce discours sérotinal et vespéral est venu redonner un nouveau visage et souffle à la culture et au rôle du poète dans une société. Selon l’Abbé Santedi, la culture, ce n’est pas seulement les loisirs et le divertissement, mais la culture, c’est le grand canal de l’éducation. La culture, c’est l’éducation. Le Pape Benoît XVI pensait même que la culture est le laboratoire d’humanisation.

Malheur à une société sans poète ! Malheur à une société sans poète ! S’écrit le Recteur de l’UCC. Quelle est l’importance d’un poète dans la société ? Le poète, c’est le rêveur sacré. Le poète fait rêver. Le poète donne la vision. Pas de poète, pas de rêve ! Pas de poète, pas de vision ! Pas de rêve et de vision, pas de grandes réalisations sociétales !

Le Recteur de l’UCC a ramassé toutes les valeurs spirituelles, artistiques et humaines que renferment la vie de l’artiste et le cœur de ses œuvres anthologiques : Verre cassé, Mabelé, Masuwa, Trahison, Testament, Kitikwala, …. Quel talent ? Quel Poète ? Quel musicien ? Quel compositeur ? Quel guitariste ?

Le poète Lutumba a eu le mérite de fructifier les talents que le Créateur de l’Humanité a enfoui en silence dans ses tripes, et ce, pour le grand bonheur de la société congolaise, africaine et mondiale. Le poète Lutumba était un grand travailleur. Avec lui, nous pouvons confirmer que la République démocratique du Congo renferme de grands talents et des grands génies dans la musique. A titre illustratif, nous pouvons citer : Grand Kalé, Luambo Makiadi, Tabu Ley, Papa Wemba, Madilu, Pépé Kalé, King Kester Emeneya, ….

Ressortissant de la Commune de LINGWALA comme le poète Lutumba, cette proximité a permis au Recteur de l’UCC de retenir deux grandes phrases de Papa LUTUMBA : « Elikya na ngai sé na Nzambé » (Je place toujours ma confiance en Dieu) et « Batelemaka na sé ya mbeto té » (On ne se tient pas debout sous le lit). Une invitation à l’humilité et à la simplicité. Même si on est grand, on doit apprendre à s’abaisser. Selon l’Abbé SANTEDI, seuls les humbles sont des grands. La vraie grandeur, ce n’est pas l’orgueil, mais la simplicité. Le poète Lutumba était un homme de très grande valeur. Il est des rares artistes dont les œuvres soient reconnues de son vivant. De son vivant et en son honneur, un buste a été placé en 2018 au croisement des avenues Kabinda et Libération à Kinshasa. Et l’avenue Mushi dans la Commune de Lingwala est devenue du vivant du Poète, l’avenue Lutumba Simaro. Quel bonheur ? Quel honneur ?

Le poète Lutumba a arrosé nos oreilles des belles paroles remplies de sagesse, dixit l’Abbé Santedi. Chansons véhiculant toujours des valeurs et des conseils de vie. Sa vocation était l’amour de la musique. Le poète Lutumba aimait son travail. Il aimait son art. Il n’était pas un mercenaire. Le poète Lutumba jouait la bonne musique, la belle musique et la vraie musique.

L’essentiel dans la vie n’est pas dans l’accumulation des richesses et des honneurs. Mais l’essentiel dans la vie, c’est la réponse à notre appel, à notre talent, à notre vocation. Notre vocation, c’est l’amour ! Si je suis professeur, je dois enseigner par amour. Si je suis musicien, je dois chanter par amour. Si je suis politicien, je suis servir mon pays par amour.

Poète Lutumba, ton héritage plein d’amours, des valeurs, des conseils et des vertus nous guidera de génération en génération. Vous aviez dit de votre vivant, que les conseils qui manqueront dans l’ensemble de votre œuvre pourraient être complétés par la Bible. Quelle sagesse ? Quelle humilité ?

Dans la conclusion de son homélie, l’Abbé Santedi a souligné avec force que : « Tout amour semé, tôt ou tard, fleurit. » L’amour est plus fort que la mort. L’amour semé dans tes chansons fleurit déjà. Par son art, le poète Lutumba a participé à la construction d’un Congo des valeurs. Un Congo où il fait beau vivre. Un Congo plus beau qu’avant. Lutumba à jamais. A jamais Lutumba.

MESSE DES FUNERAILLES DE L’ARTISTE MUSICIEN SIMARO LUTUMBA

 

« Serviteur bon et fidèle, Tu as été fidèle en peu de choses, je t’en confierai beaucoup » Mt, 25,23

Frères et Sœurs,

Nous sommes réunis en ce soir dans cette salle du Palais du Peuple pour accompagner notre frère Simon Lutumba Ndomanueno, qui s’en va sur son chemin d’éternité. Né à Kinshasa alors Léopoldville le 19 mars 1938, il tire sa révérence le 30 mars 2019 à Paris.

C’est ainsi qu’est faite notre vie. Un jour nous venons en ce monde et un jour nous partons de ce monde. Que ce soit pour notre venue en ce monde ou pour notre départ de ce monde,  notre vie a un lien avec le mystère de Dieu. C’est Dieu en effet qui nous donne la vie à son commencement, et c’est Dieu qui accueille notre vie à sa fin. Il est l’Alpha et l’Omega, le commencement et la fin. Mais quand Dieu nous donne la vie, il nous donne aussi ses dons, des talents que nous sommes appelés à ne pas enterrer mais à fructifier. Celui que nous pleurons aujourd’hui, celui-là même que nous appelions affectueusement le Poète Simaro Masiya, a su fructifier les talents que Dieu lui avait donnés.

Excellent musicien, virtuose de la  guitare, fin compositeur, Simaro a passé sa vie en donnant à la société congolaise et africaine des chansons de grande beauté que ce soit de la  beauté artistique ou de la beauté du message les chansons de Simaro Lutumba étaient dignes d’anthologie. Elles étaient remplies de proverbes, de sagesse, pour prévenir des antivaleurs corrosives pour la société, pour créer l’harmonie, pour redonner l’espoir, pour raviver l’amour, pour requinquer la vie, pour tonifier l’existence. Simaro Lutumba était un fin connaisseur de la société congolaise pour laquelle il délivrait son message.  Que l’on pense à Mabele, Ebale ya Zaïre,Testament ya Bowule, Affaire kitikwala,  Maya, Verre cassé, Trahison et autres, c’est la même préoccupation qui habitait cet artiste : donner conseil sur des thèmes variés notamment : l’amour, l’amitié, le mariage, la fidélité, la mort, la prudence dans la vie ; passer un message fondamental et capital pour un mieux vivre dans la société, exhorter à la fraternité, au pardon, à la solidarité.  Il aimait beaucoup son travail de musicien, Il y a mis tout son cœur et tout son amour. C’est à juste titre que l’on doit le considérer  vraiment comme une icône de la musique congolaise et africaine.

Dans la vie quotidienne, Simaro Lutumba  était également un homme de grande simplicité, il a vécu toute sa vie simplement dans la commune de  Lingwala sur l’avenue Isangi.  Il était présent à nos rencontres des ressortissants de la commune de Lingwala, ouvert à tout le monde et à toutes les générations. Quand les membres de l’’Association des natifs de Lingwala vivant en France ont décidé d’entreprendre des actions caritatives en faveurs des pensionnaires de l’hospice des vieillards de kabinda et des enfants de la Pédiatrie de Kalembelembe, il était associé à ce projet pour apporter sa contribution et ses sages conseils. Il dira à tous, pour réussir cette œuvre il nous faut du sérieux, de la persévérance et surtout de l’humilité. « Batelemaka na se ya mbeto te : comme pour nous dire si grand que vous pouvez être, il faut savoir être humbles pour entreprendre des grandes choses.

Dieu lui a donné de vivre longtemps parmi nous et de célébrer ses 😯 ans. Voilà ce qu’il disait à l’occasion de la célébration de ses 80 ans : « J’ai accompli ma mission. Que les autres suivent mes pas et qu’ils n’empruntent pas les voies immorales. Je me considère comme un professeur de musique. Ce que je demande aux jeunes c’est de bannir des insanités dans les chansons et les danses. Nous ne devons pas imiter aveuglement  les cultures des autres ».

C’est  avec raison que nous l’appelions poète car le poète est celui qui fait rêver tout un peuple, qui suscite  l’imaginaire, qui donne une vision. Là où manque la vision, il manque un souffle pour bâtir une grande destinée. Malheur à la nation qui n’a pas de poète, elle manquera de vision. Le poète Lutumba  a contribué à nous donner une vision. Il a contribué à sa manière, à travers des œuvres musicales  que nous n’oublierons jamais, à nous indiquer le chemin  des valeurs, le chemin de la belle musique, de la bonne musique, de la vraie musique, cette musique qui adoucit les mœurs et élève l’homme.   Il nous a indiqué le chemin de la vraie grandeur humaine, celle l’humilité, de la simplicité en ne confondant pas l’honneur avec les honneurs. . C’est vraiment un homme de valeur qui nous quitte. C’est en regardant des hommes de cette trempe que l’on peut dire : oui ! seuls humbles sont des grands. Le seigneur qu’il a servi humblement, lui a donné en retour la vraie grandeur. De son vivant, la Nation lui a érigé un buste dans sa commune d’origine et l’avenue Mushie a été débaptisée en recevant son nom avenue Simaro Lutumba. Il est donc de ces  rares personnes qui sont entrées dans la gloire vivant. Aux grands hommes la Patrie reconnaissante. Nous disons merci au Seigneur de nous avoir donné ce grand artiste poète, éducateur, humaniste.

Frères et Sœurs, je voudrais terminer en rappelant que l’essentiel de notre vie ne consiste pas dans l’accumulation des richesses, des honneurs, des titres, mais dans la réalisation de notre vocation. Et notre vocation c’est l’amour. Nous sommes créés par amour, nous sommes créés pour l’amour.  Dans le texte de la messe de ce jour, le Christ ressuscité demande à Pierre m’aimes-tu ? (Jn 21, 15). Il confie une mission à Pierre qu’il ne pourra réaliser que par la force de l’amour : l’amour de son Seigneur et l’amour des autres. A travers la vie de Simaro, et comme pour tout homme,  à travers des hauts et des bas, à travers des avancées et des retraits, c’est une vocation humaine, une vocation chrétienne qui s’est déployée : la musique au service des autres, au service de la société.

Frères et Sœurs, vivons notre vie en étant des témoins de l’amour dans ce que nous faisons au quotidien, comme musicien, enseignant, journaliste, médecin, politicien. A sa manière, Simaro a été fidèle à sa vocation de musicien. Travaillons, nous aussi, à être fidèles à nos engagements de vie car la fidélité à ses engagements honore l’homme et le rapproche de son Seigneur. Le temps met un terme à la vie des hommes sur terre, mais  leurs bonnes œuvres  continuent bien leur chemin car  « Tout amour semé tout ou tard fleurira ».  Prions pour que ce que Simaro Lutumba a semé de bon, de valeurs dans ces chansons puisse fleurir pour un Congo des valeurs, un Congo plus beau qu’avant.

Puisse Le Christ ressuscité accueillir, ce bon et fidèle serviteur,  Simaro Lutumba, dans son Royaume et faire briller sur lui la lumière de la vie éternelle. Puisse-t-Il aussi veiller sur chacune de nos vies et nous accorder sa grâce l’accomplissement harmonieux de notre vocation.

Amen !

 

Kinshasa, le 4 mai 2019

Abbé Léonard SANTEDI

Recteur de l’Université catholique du Congo

 

                                     Stéphane YUMA KALEMA

Assistant à la Faculté de Sciences politiques

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